« Il faut tout un village pour élever un enfant ». Proverbe africain
Que se cache-t-il sous l’arbre d’argent ?
C’est la question. Essayons d’y trouver des réponses, s’il y en a à trouver.
Pour cette exposition personnelle, Mo Baala offre sa propre perspective sur un thème sensible et fondamental : l’enfance. À travers sa pratique artistique et sa déclaration d’artiste, « Moi et les Cahiers Sales », il synthétise et présente les savoirs existants sur ce thème de manière provocante.
Pour la première fois, cette exposition personnelle englobe tous les médiums de l’artiste et propose des usages innovants des matériaux. Baala intègre des éléments anthropomorphes audacieux et scintillants dans ses œuvres, allant des découpages et collages sur papier, aux dessins de différentes tailles, jusqu’aux textiles à grande échelle, céramiques en terre cuite, écrits et œuvres sur toile. Toutes sont également peuplées de personnages et d’objets, témoins d’événements historiques et politiques, ainsi que de références philosophiques et littéraires.
L’exposition est à la fois profondément belle et profondément mémorable. Les visiteurs sont accueillis par un passage en labyrinthe de fer rouillé qui mène à une vaste cour, où gisent des vestiges et accessoires de la performance d’ouverture de l’artiste, comme en attente de son retour… peut-être. En levant les yeux, on découvre une installation calligraphique, composée de dessins et peintures sur découpes de bois assemblés en un message énigmatique et incompréhensible. De là, on accède à la salle principale de l’exposition, où nous accueille un triptyque nouvellement créé : trois pièces textiles monumentales, composées de personnages et symboles en cuir finement découpés et collés sur tissu, formant une chronique monumentale rappelant les tapisseries anciennes ou les fresques antiques. Chaque panneau invite le visiteur à explorer la cosmogonie complexe de Baala et sa trilogie personnelle, PaMeMo; Papa, Moi, Maman.
La pièce bleue, L’Enfant : Mohammed Baala.
La pièce gris argenté, Les Bijoux de Fatima, un trésor magique et un hommage à la Mère.
La pièce orange brûlé, Le Père inconnu, pose la question : Pourquoi ne nous a-t-on pas présenté la littérature africaine ?
La pièce gris argenté, Les Bijoux de Fatima, un trésor magique et un hommage à la Mère.
La pièce orange brûlé, Le Père inconnu, pose la question : Pourquoi ne nous a-t-on pas présenté la littérature africaine ?
Ces œuvres offrent plusieurs niveaux de lecture. Des livres sont imprimés dans les panneaux, tandis que les véritables livres sont éparpillés sur le sol nu, interrogeant silencieusement le public. Au centre, des chevaux mythiques en cuir découpé symbolisant les parents, encadrent une mante religieuse violette, représentant l’enfant. Des centaines de mains d’enfants en cuir découpées à la main forment la base de l’œuvre, implorant l’attention — peut-être même une pièce d’argent.
Sur le côté droit de la salle, les visiteurs découvrent une autre installation percutante : Les Enfants du Souk. Cette œuvre de grande envergure présente des centaines de babouches ailées en cuir — toutes intentionnellement conçues comme des pieds gauches, représentant les laissés-pour-compte, les oubliés, les rejetés. Ces babouches forment un grand cercle aplati sur un mur de métal rouillé, avant de se prolonger en ligne sur le sol, évoquant des spermatozoïdes en course pour la survie. La composition juxtapose de manière provocante l’horizontalité et la verticalité, remettant constamment en question la notion de centre.
Tout au long de l’exposition, surgissent des sculptures en bois, semblant être des éléments agrandis des collages, dessins et peintures de l’artiste. On y retrouve un morceau de pain difficile à obtenir, un oiseau chéri, et un enfant ailé perché aux abords des murs de la ville-mère de Baala, Taroudant.
Sur un panneau peint en bois, l’artiste nous rappelle : « La poésie est le bouclier que nous utilisons pour protéger nos esprits de trop de savoir. »
Taroudant est à la fois présente et omniprésente — une forteresse murée, ville que l’artiste chérît et redoute, aime et déteste. C’est une source infinie de douleur, de rire, d’espoir et d’inspiration.
L’exposition suscite des réactions profondes chez les visiteurs, offrant une expérience transformatrice. Comme l’écrivait Saint-Exupéry : « Nous sommes de notre enfance comme nous sommes d’un pays. »
Aniko Boehler, Commissaire d’exposition, Mo Baala ‘Sous l’Arbre d’Argent’ X MCC Gallery, décembre 2024